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"Distributeur d'oubli"
AFK
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Messages : 55
Date d'inscription : 02/04/2016
Age : 37
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MessageSujet: "Distributeur d'oubli" "Distributeur d'oubli" Icon_minitimeJeu 5 Mar - 16:11


   
❝ Distributeur d'oubli ❞

   
Jadis Gwen riait de tout, et souvent. Un rien suffisait, et son rire éclatait telle l’écume sur les rochers, et se répandait, contagieux, tout autour d’elle. Elle aimait partager ses découvertes avec enthousiasme, prenait tout avec légèreté. Rien n’était grave, tant que l’on pouvait rire.
Puis Gwen grandit, et son rire cessa. Les choses qui l’amusaient naguère ne lui arrachaient même plus un sourire. Elle ouvrit les yeux et fut confrontée au monde, aux autres, et réalisa que l’on se riait plus d’elle qu’on ne riait avec elle. Elle découvrit que le rire pouvait être un moyen de blesser, de rabaisser, de se moquer, elle qui n’en avait usé jusqu’à présent que pour faire le bien.
Ses proches s’étonnèrent, lorsque ses plaisanteries cessèrent, de ne plus avoir personne pour animer des conversations souvent stériles et pesantes. Gwen ne tint plus le rôle d’amuseuse publique qu’on lui avait attribué malgré elle.
Gwen s’isola de plus en plus.
Bien sûr, il lui arrivait encore parfois de sourire, en elle-même, de choses absurdes qu’elle voyait, lisait, ou vivait, mais ce sourire était plus le signe d’une résignation, d’une ironie vis-à-vis du monde, que d’un réel amusement.
Elle se mit à travailler, pour trouver un sens à sa vie, une motivation, une fierté, pour trouver du réconfort dans la performance, être en compétition avec elle-même et s’auto satisfaire. Elle ne voulait plus être « le bouffon du roi ». Toujours sérieuse, rigoureuse, Gwen ne riait plus. Elle fut respectée, admirée parfois pour la qualité de son travail, mais guère appréciée. Sa compagnie n’était plus agréable, elle devenait même pesante, gênante. D’elle-même, Gwen s’écarta de la vie mondaine. Elle n’était pas idiote, elle voyait bien que sa présence n’était pas désirée, et elle ne souhaitait pas non plus se mêler aux autres. Ces mêmes autres qui savent se montrer si cruels, derrière leurs masques amicaux. En réalité, elle était fatiguée, épuisée de s’ouvrir, de se livrer, et de se voir tournée en ridicule, moquée, humiliée, par ceux qui associaient le rire à la bêtise. Gwen, elle, liait le rire à l’esprit. Il lui arrivait d’être séduite par de belles âmes, au rire intelligent, irrésistible et sensible, mais c’était rare, si rare.

Elle s’inventait un monde, son monde, où elle évoluait seule, ou parfois accompagnée de personnages que l’on pourrait croire issus de romans épiques. Des compagnons parfaits, qui la comprenaient totalement, toujours bienveillants et nobles d’esprit. Du respect, de la tendresse, des sourires chaleureux et compréhensifs, une communion spirituelle idéale, mais jamais de rires.
Les personnes que Gwen côtoyait dans la vie quotidienne, elle ne parvenait pas à les comprendre. Parfois, elle prenait au sérieux des réflexions qui étaient en réalité des plaisanteries, parfois, elle souriait, pensant à tort avoir saisi un ton léger dans la voix de son interlocuteur, et se retrouvait à devoir expliquer que non, elle ne se moquait pas de lui.
Plus le temps passait, plus le rire la quittait. Les jours n’étaient qu’une succession morose et répétitive des mêmes tâches, des mêmes visages, des mêmes instants. Une valse infinie et absurde.
Puis un jour, quelque chose changea dans son quotidien, elle dut changer d’environnement, rencontrer de nouvelles personnes. Sur la défensive, Gwen redoutait ces nouvelles rencontres. Pourtant, un évènement inattendu se produisit. Elle rencontra quelqu’un qui l’accueillit chaleureusement, quelqu’un dont le visage s’illuminait d’un sourire sincère à sa vue. Elle ne sentit aucune malice, mais ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait.
Cette personne ne manquait pas une occasion de faire sourire Gwen, par des pitreries, des réflexions toujours bienveillantes, et malgré le manque de réaction, la rigueur et le visage fermé de Gwen, elle n’abandonnait jamais.
Gwen fut troublée par ce comportement qu’elle ne saisissait pas. Pourquoi cette personne se comportait-elle comme ça ? Quel en était le but, l’intension première ? Cela semblait sincère et désintéressé, mais c’était quelque chose qu’elle ne comprenait pas, elle qui jusqu’ici n’avait été confrontée qu’au rire qui divise et qui blesse.
Puis, à force d’insistance, Gwen finit par sourire à ces pitreries, puis à en rire, et elle décela comme un soulagement, un apaisement chez la personne qui avait abattu tant d’efforts pour la rendre heureuse ne serait-ce qu’un moment. Elle comprit alors. Elle comprit que tous ces efforts pour la faire sourire ou rire étaient la plus belle et la plus pure preuve d’amour que l’on puisse démontrer. Une chaleur, un échange, une complicité, le temps d’un éclat.
Elle repensa alors à cette phrase de Victor Hugo, qu’elle avait lu il y a longtemps mais qui, à présent, dévoilait toute sa profondeur : « Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur la Terre, qu’un distributeur d’oubli ! ».

   
   


   
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"Distributeur d'oubli"
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